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Travailler en ayant un enjeu d'anxiété sociale et de dépression

Travailler en ayant un enjeu d'anxiété sociale et de dépression

Nous vous présentons une série de témoignages d’anciennes et anciens participant.e.s du programme de préparation en emploi (PPE) d’Accès-Cible SMT. Ce programme accompagne les personnes ayant un enjeu de santé mentale vers une réinsertion professionnelle. Les personnes qui ont accepté de témoigner vivent aujourd’hui une expérience positive en emploi, et ce malgré leur enjeu de santé mentale. Elles partagent leur vécu et leurs outils. 


Jeune, j’étudiais pour être musicienne professionnelle. J’ai eu un diagnostic de dépression majeure avec enjeux d’anxiété à l’âge de 14 ans. La situation n’était pas facile à la maison et j’ai été émancipée de ma mère à l’âge de 16 ans. J’ai occupé plusieurs emplois différents entre 16 et 23 ans. J’en ai retiré un certain nombre de compétences très variées et une certaine flexibilité mentale, deux choses qui me servent encore aujourd’hui. J’ai fait une dépression sévère au début de la vingtaine (pas la première ni la dernière), mais le programme d'Accès-Cible SMT m’a aidée à me remettre sur pied, et m’a mise sur une piste, avec mon stage, qui est devenue une carrière.

Aujourd’hui (plus de 25 ans plus tard), je me sens bien et compétente dans mon emploi. Je suis à ma place!

J’ai un emploi qui demande beaucoup mais qui rapporte beaucoup aussi. Qui exige du temps de travail solitaire autant qu’en équipe, un équilibre qui m’est nécessaire! Je fais partie d’une équipe tout en restant un peu à part, ce qui me plait bien. Je travaille dans un milieu méritocratique – si ton travail n’est pas à la hauteur, ou si tu as des comportements désagréables, tu n’es simplement pas réengagé.e sur le prochain projet. Cela dit, je suis constamment en emploi, ce qui me rassure et aide avec mon syndrome de l’imposteur. Logiquement, si je n’étais pas compétente, les gens ne m’offriraient pas autant de travail! J’ai appris sur le tas, et j’apprends toujours – très important car je m’ennuie facilement. Je suis membre d’un syndicat et reconnue dans mon poste de coordonnatrice costumes télé-cinéma.

Pourtant, au début, cela a été difficile! J’avais beaucoup de difficulté à me croire compétente, à reconnaître que j’avais quelque chose à offrir. J’étais très gênée. Mais j’ai été très, très chanceuse, mon stage est devenu un emploi temporaire et ensuite permanent grâce aux employées qui ont insisté auprès de la direction pour que je continue à la fin du stage.

Ce qui m’a beaucoup aidée dans mon insertion professionnelle a été l’apprentissage et le soutien émotif. J’avais beaucoup de difficulté à comprendre et à communiquer mon état interne (J’ai un trouble d’alexithymie). En faisant le programme d’Accès-Cible SMT, j’ai appris à identifier ce que je vivais à l’intérieur pour ensuite trouver des stratégies pour nommer et gérer mes émotions. Évidemment, le stage, aussi, a bien aidé à ma réintégration.

J’utilise différents outils qui m’aident au quotidien. Je suis experte en respiration lente pour combattre l’anxiété. J’ai appris à mieux identifier mes émotions en vue d’appliquer des stratégies pour les gérer.

Et je suis plus douce maintenant avec moi-même, je m’accorde le temps qu’il me faut pour me reposer, j’apprends à me parler de façon un peu plus gentille.

J’ai parfois besoin de passer 10 minutes dans une pièce fermée, dans le noir, seule. En fait, j’ai besoin de cette solitude. Pas en permanence, mais si mes collègues sont au bureau avec moi toute la journée, je vais avoir besoin de prendre une pause éventuellement pour être seule après quelques heures d’interaction. Je pleure très facilement, surtout si je me fâche ou si je suis frustrée. Mes collègues me laissent du temps pour me remettre dans ces cas-là, à ma demande.  

Avoir la permission de me retirer en situation d’angoisse ou autre émotion envahissante est très important pour moi et je suis très chanceuse de travailler avec des gens qui reconnaissent autant mes forces que mes faiblesses.

Ces forces, d’ailleurs, je suis capable de les voir aujourd’hui. Certaines sont en lien direct avec mes enjeux. Empathie et entregent (en lien avec mes troubles de dépression et d’anxiété sociale), sens de l’organisation presque pathologique (anxiété généralisée). Grande capacité à affronter et régler les problèmes administratifs et interpersonnels (anxiété généralisée).

J’ai récemment reçu un diagnostic d’autisme de type « Asperger » (ce diagnostic « Asperger » n’existe plus dans le DSM-5 mais c’est tout de même le terme qui a été utilisé), ce qui explique bien des choses! Avoir su voilà 50 ans, ma vie aurait été très différente – mais à l’époque, seuls les garçons hyperactifs étaient diagnostiqués et avaient accès à des accommodements.  

Ma dépression et mon anxiété relèvent très probablement de cette différence biologique du cerveau, cette façon différente d’apprentissage, surtout au niveau social.  

J’apprends maintenant, avec cette nouvelle information, à mieux prendre soin de moi et à mieux profiter de ma différence. Je réalise à quel point l’entregent est une capacité apprise pour moi, qui n’est pas innée; je n’ai pas les instincts sociaux qu’ont les gens neurotypiques, et cet apprentissage me sert quotidiennement. Je « lis » facilement les émotions et le « body language » des autres – un atout pour une coordo! Je suis nulle pour tolérer l’ennui ou (pire) l’inefficacité; je suis aussi très maladroite physiquement (manque de proprioception), mais, par contre, j’ai une grande facilité pour comprendre les systèmes, pour visualiser, et pour la logistique!  

La vie est donc longue et pleine d’aventures, de choses à apprendre, à vivre!

Signé : Jennifer Anderson

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