Lorsque l’on souhaite accompagner une personne, on a tendance à vouloir changer ce qui engendre ou perpétue le problème que celle-ci vit. Dans cette perspective, cela reviendrait à cibler les éléments « problématiques » et accompagner la personne afin qu’elle les modifie.

Or, vouloir que quelqu’un change, c’est en quelque sorte l’invalider. Si je souhaite que tu changes, j’affirme d’une façon ou d’une autre que tu n’es pas adéquat.e, qu’une partie de toi doit être différente (sinon, pourquoi changer ?). Par contre, je permets au changement de prendre forme. D’un autre côté, accepter quelqu’un c’est en un certain sens le valider, mais j’engendre difficilement un changement en elle. 

Nous aboutissons donc à un paradoxe en accompagnement : faut-il accepter ou inciter au changement?

Cette question, selon nous, n’a pas de réponse claire et définitive. La puissance de ce paradoxe semble alors se trouver dans un équilibre dynamique entre l’acceptation et le changement. 

Acceptation et changement comme alliés de l’intervention 

Les personnes qui souhaitent participer à notre programme de préparation à l’emploi veulent en général qu'un changement ait lieu dans leur vie. Cependant, se concentrer seulement sur le changement peut provoquer le sentiment que la détresse n’est pas reconnue et ainsi l’on risque de répéter l’invalidation de l’environnement primaire de la personne (Linehan, 2015). En d’autres mots, ne pas accepter la personne et ses comportements maintient l’individu dans un état qui empêche le processus de changement d’opérer.  

Cela étant dit, si l’on se concentre seulement sur l’acceptation, on valide la personne certes, mais on ne lui permet pas de travailler efficacement et activement sur les éléments qu’elle a effectivement besoin de changer pour améliorer sa situation.  

Mais l’acceptation d’une personne et de ses comportements mènera-t-elle nécessairement à la continuation de ces comportements ? Est-ce qu’acceptation rime avec stagnation et perpétuation ? Pas nécessairement, car c’est justement dans l’acceptation que se trouvent la validation et le sentiment de valeur de l’individu. En l’acceptant, on aide l’autre à croire en son potentiel de changement et cela permet aux interventions axées sur le changement d’être d’autant plus efficaces. De plus, selon Jomphe et Lussier-Valade (2019), du point de vue de l’individu, l’acceptation de « ce qui est » représente déjà un immense changement. 

En somme, chez Accès-Cible SMT, nous accordons une grande importance à la dynamique acceptation vs changement ou plutôt acceptation et changement, car ces deux éléments sont vus non comme des forces opposées, mais bien de puissants alliés de l’intervention.  

Le juste équilibre 

Fort souvent, lorsque nous accompagnons quelqu’un, nous essayons d’avoir une vision d’ensemble. La problématique de l’emploi ne s’arrête pas une fois que le quart de travail se termine ; bien au contraire, on doit souvent s’adresser à l’envers du décor : ce qui impacte l’avant, le pendant et l’après-travail. En effet, plusieurs de nos participant.e.s ont des enjeux de santé mentale qui impactent leur réinsertion et leur maintien en emploi certes, mais aussi plusieurs autres sphères de la vie (sociale, relationnelle, etc.). Heureusement, chez Accès-Cible SMT, chaque participant.e a l’opportunité, le temps et l’espace privilégié pour revisiter et travailler ces différents enjeux dans une mini-communauté acceptante et bienveillante, un groupe de personnes ayant des vécus similaires apportant entraide et support. 

« […] c’est la première fois que je n’ai pas eu la pression de démontrer quelque chose. J’ai pu être moi-même sans jugements. J’ai pu partager avec mes pairs pour me construire et m’améliorer. À travers les différents ateliers, j’ai pu faire une meilleure connaissance de moi, mes limites et mes forces. […] »

Alicia Gil, une ancienne participante. 

Notre organisme reprend beaucoup des éléments que l’on retrouve dans un emploi (les hauts, les bas, l’interaction avec autrui, les imprévus, la routine, les responsabilités, etc.) et il semble que c’est en recréant le plus possible « le vrai travail » qu’une personne apprend le mieux à intégrer et maintenir un emploi.  

Ainsi, de par les valeurs et la structure d’Accès-Cible SMT, c’est le milieu de vie tout entier qui devient acceptant, tout en visant un processus de changement. En résulte une personne qui se sent validée dans ce qu’elle vit et qui en vient à reconnaitre sa personne et sa situation « telle qu’elle est ».  Conjointement, la structure de notre programme favorise et incite au changement entre autres par l’instauration d’objectifs clairs et réalistes. Le contact avec des acteurs externes à différents moments du programme, notamment lors de la réalisation d’un stage, est un élément clé permettant de travailler sur l’adaptation, l’intégration de nouvelles notions acquises et sur le changement. 

Nous visons donc à créer, pour chacune des personnes que nous accompagnons, un juste équilibre entre un milieu acceptant et un cadre structurant porteur de changement et d’espoir. 

Bibliographie 

Lussier-Valade, M. & Nomphe, J. (2019). La thérapie comportementale dialectique : un mini-guide pratique : 1re édition. Psychopap : les mini-guides.